Génération Hith

Chapitre 2 : Génération 1

Octobre 2014, c’est devant ce notaire strict que mon avenir prend une toute nouvelle tournure. La crise économique qui touche notre société a impacté notre famille de façon spectaculaire, quasi surnaturelle. Nous avons tout perdu ! Maison, argent, investissement… ce que les miens ont gagné et construit depuis 10 générations vient de s’écrouler.

Le notaire m’explique cela, sans empathie et termine en me remettant un titre de propriété, le seul qu’il reste à ma famille. C’est un héritage ancestral, une parcelle achetée au milieu de nul par Anna. Mon aïeule avait fait notifier des siècles plus tôt que ce terrain devait revenir à une des descendante à condition que celle-ci est les cheveux lilas.

 

Mon installation est sommaire, ce terrain au milieu de nul part et aujourd’hui au cœur d’une ville.

 

Mes maigres économies m’ont permis d’acheter le strict minimum, j’ai également apporté avec moi l’armure de Mormegil (l’épée noire) qui est dans notre famille depuis toujours et fais l’acquisition d’un ordinateur.

 

Un investissement lourd mais indispensable. Je l'utilise pour tenir mon blog mais aussi pour exercer mon métier d’informaticienne. Je viens de terminer mes études et le poste que j’occupe est au bas de l’échelle. Mais je suis ambitieuse, forte et je vais m’en sortir.

 

 

 

 

Installation faite, je décide de faire un tour dans ce nouveau « chez moi ». Le moral n’est pas au beau fixe. Je suis habituée à l’air des bibliothèques, aux supermarchés foisonnants, à une vie sociale riche. Ici les gens se font rares, la bibliothèque lugubre. Le parc m’a permis de retrouver un peu de sérénité et de m’initier à la pêche. Mais franchement ce n’est pas ma tasse de thé !

La solitude me pèse, je fais alors le tour du quartier : les bars, la bibliothèque. Je fais quelques connaissances, finalement les habitants sont plutôt sympas.

Je suis une femme active et le sport à une place importante dans ma vie. Pas un sou en poche, je me dirige vers la salle de sports et là, surprise tout est gratuit, moderne et plaisant. C’est la joie au cœur que j’entre. Un peu d’entrainement en regardant la chaine d’actualité. La crise économique frappe de plus en plus de monde. Mon voisin de tapis de course, peste contre cette situation, nous en discutons. « J » m’apprend que sa famille autrefois fortunée est aujourd’hui désargentée. Il vit en colocation avec presque rien.

 Son histoire me touche et surtout…il est BEAU. Brun, athlétique, et il parle si bien. L’alchimie opère ! Je nous imagine…. Mais ne rêvons pas… la vie est si difficile !

 

Et pourtant… la séance se termine, et il prend les devants. En me disant au revoir, il m’enlace et propose de nous revoir… comment dire non !

Les jours passent de sms en coup de fils, notre relation prend une tournure inattendue. Je travaille maintenant comme stagiaire dans une startup, les journées sont longues, et les nuits occupées à réparer la plomberie défectueuse, où à programmer pour progresser plus vite. Je regrette ma vie d’avant, facile et douce.

Et puis le week end arrive enfin, « J » me manque et même si j’ai honte de « mon chez moi » je décide de l’inviter. Je pianote fébrilement sur le smartphone, lui propose de me rejoindre…………..il accepte. Moins d’une minute plus tard, je suis dans ses bras. Il m’offre mon 1^er baiser !

 

Etrangement, j’ai la sensation que c’était écrit… notre faillite, ce terrain, cette nouvelle vie, la rencontre avec « J ». Et c’est sous le regard protecteur de Mormegil que le destin se met en marche.

Aux baisers, succèdent les mots doux, aux mots doux les gestes tendres et puis l’amour l’emporte. Dans un flot de sentiments, mon lit, au clair de lune se transforme en nid d’amour…

 

 

Les jours passent, les heures s’enchainent, travail, tâches ménagères, et  « J » qui me comble de bonheur. Je peux à nouveau exprimer ma joie naissante, grâce à la peinture qui a également l’intérêt de me rapporter quelque argent pour mieux me nourrir…et en ce moment j’ai toujours faim !

En pleine nuit, je me lève et je dévore, les yaougts et les céréales n’arrivent plus à me satisfaire, il me faut des œufs brouillés et des tacos de poissons… non mais sérieux je mange ça à 2h du matin !

 

De profil j’ai l’impression d’avoir  pris du poids …

Et en même temps je m’en moque, je me sens étrangement bien, comme sur un nuage. Mes toiles n’ont jamais été aussi colorées. Je peints dès le lever du soleil, la lumière à cette heure-là est si douce. Et puis au loin, il me semble apercevoir une ombre qui danse entre les feuilles des arbres, une ombre qui dans le souffle du vent me dit « Hith, ton destin est en marche… »

« J «  et moi continuons à nous voir. Il m’a proposé un beau rencard dans le parc de la ville voisine et sous les cerisiers en fleurs il m’a demandé d’être sa petite amie ! Lui qui a peur de s’engager, qui est membre d’un groupe de potes, doit réellement tenir à moi pour me faire une telle proposition. Je n’hésite pas longtemps…. « oui, toi et moi c’est du sérieux… ».

 

Les jours passent, la nourriture est une obsession, je suis fatiguée et la vessie je vous en parle pas…les nausées sont arrivées et là, je réalise enfin que je suis enceinte ! Je cours à la salle de sport. J’ai peur de la réaction de « J ». Je ne vais pas y aller par 4 chemins, c’est pas mon genre. J’enfile mon short et ma brassière… ainsi vêtue le doute n’existe plus, dès qu’il me verra, il s’aura !

La salle de sport est bondée, mais « J » est introuvable. Un peu de course, quelques coup dans le sac de frappe. Les gens me regardent et puis « J » arrive, il me voit dans le reflet du miroir. L’etonnement si sur son visage. Je n’ose pas me retourner… mais il vient vers moi et timidement me demande s’il peut toucher mon ventre. Je suis aux anges… Une voix au loin me souffle encore « « Hith, ton destin est en marche… »

8 mois de grossesse… mon dos me fait souffrir, je n’arrête pas de travailler, il faut que ma carrière évolue, je dois gagner de l’argent pour le bébé qui arrive. Mais pourquoi mon ventre est-il si gros ? 

C’est à ma meilleure amie que j’ose le confier. J’aimerai que maman soit là, elle m’aurait conseillé, rassuré. Je n’ai toujours pas de mur pour abriter ce petit être. Et puis « J » qui a peur….

4h du matin, les douleurs sont si fortes que j’ai l’impression que je vais mourir. Il fait sombre, autour de moi la nature m’enlace, la brume d’où je tire mon prénom semble m’envelopper comme du coton, je sens une âme ancienne à mes côtés…

 

 Et là, le miracle ! Mon bébé est là ! Une petite fille ronde et rose, ma 1ere fille ! Emma voit le jour…

Très rapidement suivie par Matthieu ! Des jumeaux ! A chaque génération, les femmes de ma famille ont des jumeaux. Maman disait que c’était une malédiction. Que Notre famille avait abrité des sorcières et que nous en payons le prix. Des jumeaux, des cheveux roux, et moi avec cette chevelure couleur lilas… maman avait peur, je n’avais pas le droit de rentrer dans la bibliothèque du manoir familial… mais moi, je savais… je le sentais… cette malédiction allait devenir une bénédiction.

 

C’est le souffle du vent qui m’a ramené « J »… j’avais tellement besoin de lui et le voilà !

Près pour une nouvelle vie … à  4 !

 

Les enfants grandissent… trop vite ! Emma est une fillette intelligente, c’est une vraie Thalion avec ses cheveux roux, Mathieu, lui tire de son père, actif et turbulent. C’est une belle famille que nous construisons peu à peu.

 

Même si la vie reste sommaire, nous n’avons toujours pas de toit sur la tête. Heureusement ici le climat est clément. Nous travaillons dur et ne désespérons pas de pouvoir bâtir notre maison.

 La vie s’organise toutefois, quelques chaises, lits, table pour que notre foyer puisse s’épanouir malgré le manque.

A ma plus grande surprise, notre couple a résisté à la déferlante « jumeaux ». Nous nous aimons, et « J » n’hésite pas à m’exprimer ce qu’il ressent (ce qui gêne parfois les petits !). 

Notre amour est si fort, notre vie intense  et si singulière.  Et la brise dans les arbres qui continue à me souffler des mots d’encouragement…. Des mots qui me laissent entrevoir un destin particulier…

 

A nouveau mon ventre s’arrondit. Mais cette grossesse est différente, je suis sereine et comme dans un autre monde tout en étant toujours bien là dans notre réalité. La famille qui va s’agrandir nous oblige à reconsidérer notre situation et le peu d’argent que nous gagnons va nous servir à construire notre maison.

 Bien sûr, elle est très modeste. Deux pièces pour que les enfants et nous ayons un peu d’intimité (mon ventre rond rend « J » TRES enjôleur… vous voyez où je veux en venir !). Une petite salle de bain et rien de plus. La cuisine reste dehors….

 

 

Toute la nuit j’ai cru entendre la voix de Mormegil sortir de l’armure pour me souffler le prénom de mon enfant…  « Ore…..Ore….Ore .. ». Pourquoi ce prénom ? Je ne l’avais jamais entendu, il n’est même pas doux à mon oreille mais je sais, je sens qu’il est destiné à cet enfant qui va venir.

C’est au petit matin qu’Ore voit le jour. C’est une petite fille ! Le 3^e enfant d’une 3^e enfant….

Au contraire des 2 ainés, Ores est étrangement calme, elle ne pleure jamais, ne réclame rien ! « J » est plus proche d’elle que d’Emma et Mathieu. Cette petite fille semble attirer l’amour et la sympathie…

Depuis la naissance d’Ores, je rêve de m’échapper quelques heures de mon cocon familial. Une fois que tous mes petits anges se sont endormis, je quitte la maison et marche sans savoir où je vais. Un vrai sentiment de liberté m’envahi, un je ne sais quoi qui porte mon esprit vers Anna. Je pense à cette femme qui m’a sauvé en me léguant des siècles plus tôt cette terre où je construis ma famille. Mes pas me portent au hasard des rues vers une maison ancienne.

 Sous le porche j’aperçois une statue. Elle me glace. Un homme de pierre  dont le regard semble me suivre quand je monte les marches qui vont vers la porte d’entrée. Il y a de la lumière à l’intérieur. Je tape. Rien. Je pousse la porte qui s’ouvre.

Odeur de cire, parquet qui grince à chacun de mes pas, et des livres à perdre vue. Mon cœur qui bat la chamade, se fige quand j’aperçois une armure. NON ! pas UNE armure mais la réplique exacte de l’armure de ma famille. Derrière l’armure  un petit salon que 2 chandeliers réchauffent une douce lumière.

La décoration de ce petit salon caché ne semble familière. Et puis je réalise ! Le blason qui est au mur, est celui de ma famille,

 

les tableaux sont les portraits des femmes de ma famille. Mon dieu, je n'y comprends plus rien !

 Sur le guéridon du petit salon, un livre ! Un vieux Grimoire. Je tremble. Fébrile je prends ce livre et l’ouvre. Les 1eres pages sont vides, je continue à le feuilleter jusqu’à tomber sur une prophétie.

 

« Douce Anna, voilà bien longtemps que j’attends ce moment. Tu m’as résisté, mais ta curiosité a était trop forte. Jusqu’à la dernière page tu aurais pu y échapper à ton destin, hélas, te voici au terme du livre et une nouvelle page de la vie de ta famille vient de s’ouvrir.

Je te maudis douce Anna, ta famille sera prospère, des enfants naitrons des ventres de tes filles mais un jour, le jour où la 3^e enfant d’un 3^e enfant naitra avec des cheveux lilas alors la malédiction s’abattra : « tout perdre pour tout reconstruire ».

 

La tête me tourne. Ces mots je les ai déjà entendu de la bouche de mère quand enfant  j’avais surpris une  conversation de mes parent. Cachée derrière la porte de la bibliothèque où je n’avais pas le droit d’entrée, j’avais entendu :

Ma mère :« C’est l’histoire d’Anna , nous allons tout perdre….»,

Mon père « Chérie, je t’en prie arrête, ce sont des histoires de bonnes femmes »

Ma mère :  « Ces cheveux, Paul, c’est la couleur de la malédiction »

Mon père : « C’est un hasard, arrête ! »

Ma mère : « le 3^e enfant d’un 3^e enfant… »

 

Mon père avait alors ouvert la porte et me voyant là, m’avait reconduite dans ma chambre et bordé sans un mot.

Ce n’est que ce soir que j’ai compris…. La faillite, le terrain d’Anna, le souffle du vent, mon destin.. et là je réalise….je suis le 3^e enfant du troisième enfant et Ore est aussi le 3^e enfant d’une 3^e enfant.  Le destin d’Ore est écrit entre les lignes de ce texte…

Je tourne la page.  Anna a rajouté ces quelques lignes :

De la Brume naitra le Cœur de notre destin, qui Brillera jusqu’à l’Espoir. Ce ne sera que grâce à la Lumière des étoiles que vous trouverez votre Chemin.  La Liberté ne pourra être conquise que si votre Désir est fort. Alors seulement  l’Histoire que la Lune a bercée s’achèvera.

 

Anna ( le Don)

 

 Une page blanche s’offre à moi. De ma plus belle écriture j’inscris dans ce grimoire prophétique :

1ere Génération Hîth. (la Brume).